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Correspondants à l’étranger: «Nous sommes journalistes, mais nous sommes

Anais Renevier, journaliste
basée à Beyrouth, qui a
notamment travaillé pour TV5
Monde , a publié sur son blog
une note expliquant pourquoi
elle s’apprête à quitter le Liban .
Et dans cette note, elle résume
les difficultés auxquelles sont
souvent confrontés les
correspondants à l’étranger en
général, et au Liban en
particulier.

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La journaliste a gagné en
moyenne 800€ par mois pendant
trois ans, dans un contexte où
les loyers ont triplé entre 2012 et
2015 en raison de l’afflux de
réfugiés syriens; elle explique
avoir été «joignable 24h/24, 7 jours
sur 7: l’info n’attend pas» , avoir été
«prise dans des tirs croisés de
snipers et une fois pourchassée par
un hélicoptère du régime syrien». Et
poursuit:
«Nous sommes journalistes,
mais nous sommes fatigués. Je
ne compte plus les soirées
autour d’une bouteille de vin où
l’on s’est dit que l’on allait
arrêter, ou au moins faire les
choses différemment. Je ne
compte plus ces anecdotes
partagées avec résignation… Tel
rédacteur en chef a refusé un
sujet sur les réfugiés syriens
parce que «ça n’intéresse plus».
Tel autre, qui se souvient que tu
existes environ deux fois par an
et t’appelle de bon matin pour te
demander si tu es «disponible
pour un direct». Oui oui, dis-tu
à moitié endormie en t’attendant
à avoir au moins une demie
heure devant toi pour préparer
ton sujet. «Alors tu es à
l’antenne dans 3 minutes» te
répond-on en te transférant
immédiatement en régie. Tel
secrétaire de rédaction aura
pour sa part changé le titre de
ton article, sans se rendre
compte qu’il peut te mettre en
danger. A un mot près, tu peux
devenir «anti-ci» ou «pro-ça».
Un terme mal utilisé, et c’est un
contact précieux qui te claque la
porte au nez, ou un responsable
de la sûreté générale qui y
regardera à deux fois avant de
renouveler ton visa.
Ce genre de coups de gueule de
reporters de guerre se
multiplient ces dernières
années. En juillet 2013, une
reporter de guerre
italienne, Francesca
Borri, rapportait par exemple
ses conditions de travail en
Syrie dans un article de la même
tonalité:
«Que vous écriviez depuis Alep,
depuis Gaza ou depuis Rome, les
rédacteurs en chef ne font pas la
différence. Vous êtes payé le
même prix: 70 dollars l’article.
(…) [Or] dormir dans une base rebelle,
sous les tirs de mortier, sur un
matelas ou par terre, avec une
eau jaune qui m’a donné le
typhus, coûte 50 dollars la nuit;
une voiture coûte 250 dollars la
journée. Donc vous finissez par
maximiser plutôt que minimiser
les risques.»
Comme le résumait Grégoire
Fleurot dans le titre d’un des ses
articles sur Slate, à la mort de
James Foley, en août 2014: «être
reporter de guerre, c’est risquer sa
vie pour des gens qui n’en ont rien à
faire (ou ne vous croient pas)».
Il citait alors Tom A.
Peter, journaliste freelance, qui
avait passé sept ans à couvrir
des conflits au Moyen-Orient et
en Afghanistan, brièvement
enlevé à Alep en novembre
2012, et qui avait décidé de
raccrocher:
«Même si vous aimez le métier, il est
difficile de ne pas être rongé par un
boulot qui nécessite parfois que vous
risquiez votre vie pour des lecteurs
qui se demandent si vous ne
supportez pas tous ces désavantages
et ces risques simplement pour
promouvoir vos idées cachées».

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