Samuel Mathey est PHD en économie. Il a créé une fondation dont il est le président : la FAFEDE (Fondation africaine pour l’entrepreneuriat et le développement économique). Cet Africain qui a enseigné à HEC Paris et dans certaines universités des USA dit avoir trouvé deux réponses à la question de l’emploi des jeunes en Afrique: « 35.3 » et « EZF ». Il nous les explique.
« 35.3 » et « EZF », vos deux solutions à la problématique de l’emploi des jeunes en Afrique. Une problématique, pourtant, si vieille. Peut-on savoir de quoi il est question ?
L’initiative 35.3 est née d’un constat très simple. Aujourd’hui, les États africains n’ont pas véritablement de solutions pour l’emploi des jeunes. La solution d’excellence qui apparait pour les États , c’est l’entrepreneuriat ou l’auto-emploi. Par exemple, la Côte d’Ivoire produit près de 10.000 étudiants en fin de cycle chaque année dans les universités, sans compter les grandes écoles et les gens qui sont en chômage technique, etc. Véritablement, l’emploi apparaît comme l’un des problèmes clés des États Africains. On nous dit également que d’ici 2050, on aura plus d’un milliard de jeunes à travers l’Afrique. Au niveau de notre Fondation, nous avons fait des études qui corroborent d’autres études qui démontrent que les trois problèmes majeurs qui empêchent les jeunes d’entreprendre, c’est premièrement, l’accès aux fonds et à l’investissement ; deuxièmement, la fiscalité et les impôts ; et troisièmement, l’accès aux contrats et aux marchés. Dans le sens que le jeune, aujourd’hui, pour entreprendre, il va dire, je n’ai pas d’argent. Ensuite, quand il entreprend, dès le premier jour, il doit payer des impôts, patentes, Cnps etc. ,de sorte que beaucoup de jeunes ne se retrouvent pas et ils abandonnent. Enfin, lorsqu’il tient, pour avoir un marché, c’est la galère. On va lui poser tellement de conditions qu’il finira par se décourager. Si ces trois problèmes ne sont pas résolus, le problème de l’emploi des jeunes ne sera jamais résolu en Afrique. Ce que nous avons décidé de faire, c’est de nous attaquer à ces trois problèmes. Concernant le financement, nous avons mis en place, et c’est l’un des projets phares que porte la Fondation, la technique EZF (Entreprendre à partir de Zéro franc). Nous avons une série de formation sur comment démarrer son entreprise, même lorsque vous n’avez pas accès à un financement. Pour résoudre le problème de l’accès aux marchés, nous avons mis en place le « matching ». C’est-à-dire qu’aujourd’hui, nous avons une base de données, où on met en contact le jeune Ivoirien avec le jeune Sénégalais ou le jeune Sud-Africain qui crée une entreprise pour qu’ils forment un genre de holding et puissent compétir avec des entreprises plus consistantes. Parce que le grand handicap qui bloque les jeunes dans l’accès aux marchés, c’est le fait qu’on leur reproche de ne pas avoir d’expériences. Le fait de les regrouper augmente leurs chances d’avoir accès aux marchés. Pour résoudre le problème de la fiscalité, nous proposons l’initiative 35.3. Ici, ce que nous disons aux États africains, c’est que si vous voulez résoudre le problème de l’emploi des jeunes par l’entrepreneuriat, levez cette contrainte des impôts en prenant une loi qui dit que « tout jeune de 35 ans et moins qui crée une entreprise, ne paie aucun impôt pendant 3 ans ». Ainsi, lorsque le jeune va savoir qu’en créant son entreprise, il ne va pas être tout de suite assailli d’impôts, il va se concentrer sur son entreprise.
Belle initiative à première vue. Mais, en avez-vous parlé aux États africains ?
Nous avons eu des discussions informelles avec des gens dans plusieurs institutions dont l’Union africaine. On nous a dit que pour amener un tel projet sur la table de l’Union africaine, il nous faut démontrer qu’il y’a des personnes, des jeunes qui sont d’accord avec notre idée. Nous avons donc initié une pétition. Nous nous sommes donné pour objectif d’atteindre un million de signatures. Nous avons ouvert une page facebook. Le site de l’initiative sera bientôt ouvert où les jeunes pourront signer la pétition et, évidemment, s’inscrire dans la base de données. Quand nous aurons atteint cet objectif, nous pourront aller vers l’Union africaine.
Avez-vous pensé aux financements de ce projet? Vous parlez de 35 ans et moins. C’est quasiment la moitié de la population africaine qui, lorsqu’elle va décider d’entreprendre, ne paiera pas d’impôt pendant 3 ans. Comment les États financent-ils tout cela ? Comment comblent-ils ce manque à gagner ?
Nous savons effectivement que cela peut constituer un manque à gagner pour les États en termes de recettes fiscales. Donc, ce que nous proposons, c’est que les jeunes vont s’engager selon des conditionnalités. Ces gens qui vont bénéficier de cette loi, doivent s’engager à employer au moins 3 personnes ; donc création d’emplois. Deuxièmement, ils s’engagent à recevoir au moins 5 élèves ou étudiants en stage durant les vacances. Ensuite, les entreprises seront reliées aux personnes individuelles de sorte les jeunes qui s’y engagent ne puissent pas en bénéficier plus d’une fois. Les États retrouveront cet argent perdu dans les emplois qui sont créés. Et,si au bout des 3 ans, le jeune fait un bénéfice de plus de 30% de son chiffre d’affaire, il paiera les impôts sur le surplus de ce bénéfice. Actuellement, nous sommes en train de mener des études plus détaillées. Pour nous, dans les premières études préliminaires que nous avions faites, cela va créer un effet d’entrainement qui va permettre aux États de combler ce manque à gagner, dans le sens qu’il y a de l’emploi qui est créé ; de l’investissement qui est fait parce que les jeunes vont acheter les équipements ; il y aura de l’exportation de marchandises, etc. Il y a du commerce qui sera généré.
Il y a deux des problèmes bien réels en Afrique : le manque de statistiques et l’absence de mécanismes de suivi dans beaucoup de projets similaires. En avez-vous tenu compte ? Les Africains ont-ils les moyens de suivre une telle initiative de bout en bout ?
Nous avons eu des discussions informelles avec des gens dans plusieurs institutions dont l’Union africaine. On nous a dit que pour amener un tel projet sur la table de l’Union africaine, il nous faut démontrer qu’il y’a des personnes, des jeunes qui sont d’accord avec notre idée. Nous avons donc initié une pétition. Nous nous sommes donné pour objectif d’atteindre un million de signatures. Nous avons ouvert une page facebook. Le site de l’initiative sera bientôt ouvert où les jeunes pourront signer la pétition et, évidemment, s’inscrire dans la base de données. Quand nous aurons atteint cet objectif, nous pourront aller vers l’Union africaine.
Avez-vous pensé aux financements de ce projet? Vous parlez de 35 ans et moins. C’est quasiment la moitié de la population africaine qui, lorsqu’elle va décider d’entreprendre, ne paiera pas d’impôt pendant 3 ans. Comment les États financent-ils tout cela ? Comment comblent-ils ce manque à gagner ?
Nous savons effectivement que cela peut constituer un manque à gagner pour les États en termes de recettes fiscales. Donc, ce que nous proposons, c’est que les jeunes vont s’engager selon des conditionnalités. Ces gens qui vont bénéficier de cette loi, doivent s’engager à employer au moins 3 personnes ; donc création d’emplois. Deuxièmement, ils s’engagent à recevoir au moins 5 élèves ou étudiants en stage durant les vacances. Ensuite, les entreprises seront reliées aux personnes individuelles de sorte les jeunes qui s’y engagent ne puissent pas en bénéficier plus d’une fois. Les États retrouveront cet argent perdu dans les emplois qui sont créés. Et,si au bout des 3 ans, le jeune fait un bénéfice de plus de 30% de son chiffre d’affaire, il paiera les impôts sur le surplus de ce bénéfice. Actuellement, nous sommes en train de mener des études plus détaillées. Pour nous, dans les premières études préliminaires que nous avions faites, cela va créer un effet d’entrainement qui va permettre aux États de combler ce manque à gagner, dans le sens qu’il y a de l’emploi qui est créé ; de l’investissement qui est fait parce que les jeunes vont acheter les équipements ; il y aura de l’exportation de marchandises, etc. Il y a du commerce qui sera généré.
Il y a deux des problèmes bien réels en Afrique : le manque de statistiques et l’absence de mécanismes de suivi dans beaucoup de projets similaires. En avez-vous tenu compte ? Les Africains ont-ils les moyens de suivre une telle initiative de bout en bout ?
C’est une bonne et grosse question. Personnellement, j’ai eu à mener plusieurs études de développement. J’ai fait partie de l’équipe qui a rédigé le PND (Plan national de développement) en Côte d’Ivoire. J’ai fait partie de l’équipe qui a rédigé la nouvelle politique industrielle de la Côte d’Ivoire. J’ai eu à enseigner en France, HEC Paris, aux USA, etc. Je parle en connaissance de cause. Je suis au cœur des choses. C’est pour cela que pour le site qui sera opérationnel dans quelques semaines, dans la pétition, on va demander aux jeunes de s’inscrire dans la base de données. Ainsi, ceux qui vont décider de créer une entreprise, automatiquement, seront suivis pour qu’on ait une traçabilité et qu’on voie qu’effectivement, il y’a des jeunes qui ont créé des entreprises à l’issue de tout ça. Nous ne prétendons pas qu’à l’instant T, nous pouvons répondre à toutes les questions. Mais, je pense, véritablement, que c’est l’inaction qui rend nos États sous-développés.
Vous êtes-vous dit, un moment, qu’il faut essayer tout cela sur un échantillon ? Vous parliez tantôt de l’Union africaine. Pourquoi ne pas prendre un seul pays et tester l’initiative ?Pour nous, cette sélection va se faire de façon naturelle. Nous ne pensons pas que tous les 54 États africains vont nous suivre le même jour. Nous avons déjà commencé à discuter avec certains États , notamment, la Côte d’Ivoire et le Sénégal où nous avons eu des contacts assez avancés. Je pense que ces États vont partir tout de go. Et, progressivement avec les résultats, c’est pour cela que la question que vous avez soulevée sur les statistiques et sur la collecte des données est très importante, les autres États vont voir qu’effectivement cette méthode crée de l’emploi et que ce qu’ils pensaient perdre en termes de recette fiscales est minime par rapport à ce qu’ils gagneront. Et pour en revenir à la question du manque à gagner, il faut voir les choses dans le temps. Cela veut dire que, si au bout des trois ans, il y’a 100 000 entreprises qui sont créées dans un État donné, imaginez ce que l’État va gagner en impôt au bout de ces trois ans. Par rapport au fait qu’on aurait eu seulement 1000 entreprises créées. C’est un système gagnant-gagnant. Au lieu d’avoir zéro ou 1000 entreprises créées qui paient peut-être un milliard d’impôt. Imaginez 100 000 entreprises qui paient l’impôt au bout des trois ans. Parce qu’on ne dit qu’il ne faut pas payer d’impôt. C’est juste que ces jeunes ne paieront pas sur trois ans.
En Côte d’Ivoire où vous résidez, la question de l’emploi des jeunes semble avoir été prise à bras le corps par les autorités en place à Abidjan. Un ministère y est même dédié. Quels sont vos rapports avec ce ministère ?
La Fondation a un contrat avec l’État de Côte d’Ivoire à travers le ministère de l’emploi jeune. C’est nous qui formons les jeunes à l’entrepreneuriat. L’année dernière, nous avons formé 3500 jeunes. Cette année, nous devions former 65 000, mais ce nombre a été ramené à 35 000 pour des problèmes de budget. Au niveau des partenariats, nous avons signé avec le ministère de l’enseignement supérieur pour pouvoir former gratuitement tous les jeunes en fin de cycle à l’entrepreneuriat avec le système EZF. La première session a démarré, il y a 3 semaines à Bouaké. Nous allons former 10 000 étudiants chaque année. Nous avons aussi un partenariat avec la BAD (Banque africaine de développement), où ils ont sélectionnée 10 pays pour tester la technique « Entreprendre à zéro franc ». Ils l’ont déjà fait en Côte d’Ivoire et ont remarqué que le taux de réussite des jeunes qui utilisent la technique EZF est supérieur à celui de ceux qui utilisent les voies classiques.
Si vous devez résumer la technique « Entreprendre à zéro franc », cela donnerait quoi concrètement ?
Pour résumer cela, il faut comprendre la définition que nous donnons à « zéro franc ». Pour nous, « zéro franc », c’est lorsqu’on n’a pas recours aux financements traditionnels des banques. La meilleure manière, pour moi, d’expliquer cela, c’est de donner un exemple concret. C’est une jeune dame qui est venue à notre formation avec un projet de fabrication d’habillage pour tablette à partir de pagne wax avec un business plan pour lequel elle cherchait un financement afin d’ouvrir un magasin. Nous lui avons demandé de nous envoyer deux de ses robes en pagne. Nous les avons déchirées et lui avons demandé de faire des modèles avec. Puis, nous avons créé une page facebook où nous avons exposé ces modèles. Le premier marché qu’elle a eu dans notre réseau de matching, c’était 1000 Euro. Aujourd’hui, elle a deux magasins sans avoir pris un franc avec
La Fondation a un contrat avec l’État de Côte d’Ivoire à travers le ministère de l’emploi jeune. C’est nous qui formons les jeunes à l’entrepreneuriat. L’année dernière, nous avons formé 3500 jeunes. Cette année, nous devions former 65 000, mais ce nombre a été ramené à 35 000 pour des problèmes de budget. Au niveau des partenariats, nous avons signé avec le ministère de l’enseignement supérieur pour pouvoir former gratuitement tous les jeunes en fin de cycle à l’entrepreneuriat avec le système EZF. La première session a démarré, il y a 3 semaines à Bouaké. Nous allons former 10 000 étudiants chaque année. Nous avons aussi un partenariat avec la BAD (Banque africaine de développement), où ils ont sélectionnée 10 pays pour tester la technique « Entreprendre à zéro franc ». Ils l’ont déjà fait en Côte d’Ivoire et ont remarqué que le taux de réussite des jeunes qui utilisent la technique EZF est supérieur à celui de ceux qui utilisent les voies classiques.
Si vous devez résumer la technique « Entreprendre à zéro franc », cela donnerait quoi concrètement ?
Pour résumer cela, il faut comprendre la définition que nous donnons à « zéro franc ». Pour nous, « zéro franc », c’est lorsqu’on n’a pas recours aux financements traditionnels des banques. La meilleure manière, pour moi, d’expliquer cela, c’est de donner un exemple concret. C’est une jeune dame qui est venue à notre formation avec un projet de fabrication d’habillage pour tablette à partir de pagne wax avec un business plan pour lequel elle cherchait un financement afin d’ouvrir un magasin. Nous lui avons demandé de nous envoyer deux de ses robes en pagne. Nous les avons déchirées et lui avons demandé de faire des modèles avec. Puis, nous avons créé une page facebook où nous avons exposé ces modèles. Le premier marché qu’elle a eu dans notre réseau de matching, c’était 1000 Euro. Aujourd’hui, elle a deux magasins sans avoir pris un franc avec
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