« Quand le moteur démarre, je suis contente », lance la jeune mécanicienne pour expliquer son choix de carrière peu commun pour une femme au Burkina Faso. Embauchée en mars 2014, Amandine Kambou réparait d’abord les énormes camions de la mine canadienne Iamgold, propriétaire à 90 % de la mine d’or d’Essakane.
Moins d’un an plus tard, elle a été promue au poste de fiabiliste. Son rôle ? Faire le suivi des besoins de la machinerie afin d’éviter des arrêts imprévus dans la production. Évaluer l’état d’usure d’une chaîne de bulldozer par exemple ou analyser l’huile moteur figurent à son agenda quotidien.
Plonger les mains dans le cambouis à Essakane lui permet de bien gagner sa vie, avec un salaire mensuel de 710 000 F CFA (1080 euros), même si ses horaires de travail ne sont pas de tout repos. Amandine quitte la maison de ses parents située à Ouagadougou pour sept jours de travail d’affilée, d’une durée de 10 heures chacun, avant de revenir pour sept jours de repos. « J’ai un bon salaire à la mine, c’est beaucoup mieux qu’ailleurs au Burkina », constate-t-elle. En effet, le salaire moyen d’un Burkinabè se chiffre à environ 57 euros par mois (selon la Banque mondiale). Avec son travail à la mine, la jeune femme gagne presque 20 fois plus…
Aider la famille et donner à l’église : 430 euros par mois
Depuis janvier dernier, elle dort directement sur le site d’exploitation de la mine, situé à plus de 330 kilomètres de la capitale. Logée, nourrie et transportée sur place par son employeur, elle peut ainsi garder la totalité de son salaire pour subvenir à ses besoins et ceux de sa famille.
Chaque mois, elle donne ainsi 150 euros à ses parents afin de contribuer aux dépenses de la maison familiale. « C’est important pour moi de les soutenir parce qu’aucun de mes quatre frères et soeurs ne travaillent », explique-t-elle.
La jeune femme paie les frais de scolarité de 990 euros annuels pour son frère (80 euros par mois) et contribue en ce moment aussi à la préparation du mariage de sa soeur à raison de 90 euros par mois. Ce soutien financier permet à son père, un gendarme à la retraite, et à sa mère, une accoucheuse-auxiliaire, d’arrondir leur fin de mois.
Chrétienne, elle verse ensuite systématiquement 10 % de son salaire à l’église qu’elle fréquente.
Des économies pour ouvrir son propre garage : 600 euros
Amandine est très économe et son salaire lui permet de mettre beaucoup d’argent de côté. La jeune mécanicienne économise 600 euros qu’elle place dans un compte épargne depuis ses débuts à la mine, presque tous les mois.
Ces économies lui ont permis d’acheter un terrain, qui lui a coûté 3800 euros, en périphérie de la capitale où elle projette de construire un garage d’ici cinq ans. La jeune mécanicienne caresse le rêve d’ouvrir sa propre entreprise, consciente qu’elle ne pourra pas faire carrière à la mine d’or. « Actuellement, je gagne beaucoup d’argent mais je ne sais jamais si mon contrat sera renouvelé. » La précarité de son emploi l’empêche d’obtenir un prêt auprès des banques.
Amandine Kambou multiplie les contrats de moins de six mois dans cette mine à ciel ouvert dont la durée de vie se chiffre à environ dix ans. Avec la chute du prix de l’or sur les marchés mondiaux, « la compagnie pourrait bien choisir de ne pas renouveler certains des contrats à l’usine… On ne sait jamais ce qui nous attend”, souffle-t-elle, en se trouvant pourtant chanceuse de travailler dans un secteur rémunérateur.
Du shopping pour 40 euros
Sa chance, elle la gagne au quotidien. Amandine Kambou ne se ménage pas au milieu de ses collègues masculins. « Je ne peux pas me plaindre, sinon ils diront que c’est parce que je suis une femme ». Dans son département, seules trois femmes travaillent comme mécaniciennes sur un total d’environ 280 hommes. « Même quand il y a beaucoup de poussière, même si c’est difficile physiquement, pas question de râler. » Au moins, soutient-elle, il n’y a aucune discrimination salariale entre elle et ses collègues masculins.
Mais travailler dans un monde d’hommes n’empêche pas Amandine d’être coquette et de garder une place pour le shopping dans son budget. Elle se permet de dépenser environ 40 euros par mois. La jeune mécanicienne aime bien s’acheter des chaussures confortables et de beaux vêtements dans lesquels « elle se sent à l’aise ». Une fois de temps en temps, elle s’offre une jolie robe à 20 euros « en pagne de qualité », dit-elle en souriant. « Mais pas tous les mois ! »
Les quelques francs qui lui restent doivent aussi servir à mettre de l’essence dans sa moto (environ 10 euros par mois) et sortir avec ses amies dans les bars ouagalais à la mode.
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