Vous pouvez démarrer une entreprise grâce à l’opportunité d’un heureux hasard. Mais vous ne pouvez la faire prospérer, la gérer, la développer et la faire croître par hasard.
Encore une fois la gestion est une science, et les plus grands entrepreneurs sont de grands stratèges. La stratégie n’est pas une passion aveugle, du temps gaspillé pour ne satisfaire qu’un besoin. C’est que rien n’est à négliger. Les mêmes causes produisant les mêmes effets et « toute chose étant égale nulle part ailleurs », ceux qui négligent ou ne connaissent pas les bonnes pratiques ne peuvent atteindre les mêmes résultats que ceux qui les assimilent, les améliorent et les vivent. Tôt ou tard la différence se fera voir. La vérité étant une graine, c’est lorsqu’elle finit de pourrir qu’elle germe.
Ceux qui échouent dans des affaires pensent souvent que ce n’est dû qu’à la conjoncture et que l’opportunité qu’ils ont découverte entre temps a été saccagée ou sabotée par une politique fiscale trop contraignante ou a été reprise par une entreprise plus forte. Pourquoi cette entreprise est-elle plus forte ? Ça encore, on peut comprendre. Mais des pensées, des assertions trop intuitives et instinctives, des vérités communes peuvent rapidement vous induire en erreur.
N’oubliez pas, c’est scientifique et toute erreur se paie cash. Il faut éviter ces points :
1. “Tous mes clients me resteront fidèles”
Demandez à un épicier depuis quand il a revu la vieille dame d’en face depuis qu’elle a déménagé. Il se peut qu’elle ait acheté chez lui depuis plus de vingt ans. Mais ne me demande pas pourquoi elle n’est plus jamais revenue. Ce n’est pas parce qu’elle a acheté et toujours avec satisfaction qu’elle quittera sa nouvelle résidence pour venir acheter chez notre cher épicier. Peut-être que c’est parce que l’épicier était le plus proche qu’elle a toujours acheté chez lui. Et puisque, n’ayant jamais goûté à aucune autre sauce, on pense que celle de sa mère est la meilleure, la vieille dame est venue tout le temps. En tout cas, elle aura vite fait de prendre de nouvelles habitudes avec un nouvel épicier- après son déménagement bien sûr.
Et là nous n’avons parlé que de l’emplacement de votre entreprise (magasin, boutique…). Quand un concurrent offrira de meilleurs prix, des conditions meilleures, mêmes vos meilleurs amis tricheront de temps en temps et iront acheter ailleurs même s’ils se sentent obligés en conscience d’acheter chez vous pour des liens qui existent entre vous. Croyez-moi, si vous faîtes la location de salles de conférences et de fêtes, de bâches et de chaises pour des événements spéciaux, ils en viendront à se le dire entre eux. “Vous savez chers amis, notre objectif n’est pas de louer la salle de Pierre, mais d’offrir un cadre agréable à nos invités. La sonorisation ne me semble pas à la hauteur de l’événement et les splits font pas mal de bruit. Je crois qu’il y a de meilleures salles. Pour cette fois nous pouvons l’expliquer à Pierre si besoin il y a”. Si vous ne vous rapprochez davantage de vos clients, n’adaptez pas continûment vos prix, la qualité de vos produits, le temps passera et vos clients, mêmes ceux qui ont fait les plus longues expériences, passeront tous.
2. “L’essentiel est que j’offre ce dont les gens ont besoin, ils l’achèteront”
Le dire, c’est oublier que les besoins de l’homme sont illimités et que c’est les biens pour les couvrir qui manquent le plus. C’est vrai qu’on ne s’entendra pas très vite sur cette fameuse notion de besoin. Le problème est qu’un besoin peut être couvert par plusieurs biens. Les économistes en diront plus long que moi.
Par ailleurs, les gens n’achètent pas toujours ce dont ils ont besoin même s’ils savent qu’ils en ont besoin et vous confient qu’ils en ont besoin. Et s’ils vous répondent “Oui j’en ai besoin, mais pour le moment je n’ai pas de budget affecté à l’achat de ce produit. Peut-être le semestre prochain”. Au fait, c’est drôle mais ça arrive à presque tout le monde. On peut avoir beau avoir besoin d’un produit, mais on ne comprend pas toujours pourquoi on devrait l’acheter maintenant et non après. Vous ferez la différence si vous pouvez démontrer à un client ce qu’il risque s’il n’achète pas votre produit ou service tout de suite.
3. “Ce qu’ils appellent marketing ou publicité n’est pas mon affaire.
En tout cas, j’ai un excellent produit. Les clients satisfaits en parleront à leurs proches”
Qu’il en soit toujours ainsi. Le dommage est que ça ne se passe pas toujours comme ça. Les gens n’ont pas toujours l’occasion de bien parler de votre produit lorsqu’ils en ont fait une excellente expérience. Quand ils en font la moins mauvaise des expériences, ils créent l’occasion d’en parler. Mais vous avez dits les clients satisfaits. Mais il faut justement qu’ils arrivent une première fois pour en faire- ne serait-ce que la première expérience.
Alors savent-ils que vous êtes là où ils vous trouvent pour la première fois. Une enseigne? C’est du marketing! Vous en avez parlé à un proche, un collègue, un parent? C’est de la publicité ! Quand on ne peut suffisamment parler pour se faire entendre et se faire voir, il faut monter sur un toit ou une chaire. Quand on est trop petit pour se faire voir, il faut crier haut sa présence. Ce n’est pas du tapage! Songez au petit Zachée sur l’arbre.
4. “Je n’ai pas de concurrents.”
La notion de “concurrent” peut paraître difficile à assimiler pour certains. Ceci explique d’ailleurs pourquoi ils en arriveront à dire qu’ils n’ont pas de concurrents. Voyons un peu la chose de près. La durée de vie d’une société est de 99 ans. Si au cours des dix premières années je n’ai pas de concurrents, et qu’au cours de la deuxième décennie j’ai un seul concurrent, je ne peux dire au cours de la première année que je n’ai pas de concurrents. Celui qui sera mon concurrent de la deuxième décennie, était mon concurrent potentiel au cours de la première décennie.
D’ailleurs, le fait de le dire me fait dormir sur mes lauriers – j’innove à peine. Mais le pire est que les concurrents qui viennent après vous copient et ajoutent toujours une innovation à ce que vous avez l’habitude de faire. Dans la plupart des cas on ne les voit pas venir. N’est-ce pas dangereux de ne pas savoir qui peut vous attaquer, quand et comment et de demeurer dans l’illusion que personne ne vous attaquera jamais. Il n’existe pas de secteur dans lequel il n’y ait de concurrence, sinon qu’elle est de plus en plus rude. Vous pouvez être le premier, mais il est rare que vous soyez parfaitement le seul.
En un temps T d’aucuns peuvent choisir de ne pas vous concurrencer. Le jour où ils se décident, ils vous terrassent carrément. Là ils sont plus dangereux. Alors doit-on se réjouir de ne pas avoir de concurrents si tant est que c’est dangereux de ne pas savoir qu’on en a. Alors pourquoi aller jusqu’à avancer qu’on n’en a pas du tout ?
5. “Je ferai tout moi-même”
Voilà encore un autre piège dans lequel tombent de nombreux entrepreneurs non associés. Ils sont la tête, les pieds, le cœur et les poumons de leurs entreprises. Nés et vivants pour tout faire, et seuls ! Mais la réalité de l’entreprise est tout autre, surtout qu’on ne peut être bon partout. Il existe dans une entreprise plusieurs tâches ou domaines de compétences.
Parfois l’entrepreneur qui démarre une entreprise ne s’en rend pas compte assez tôt. Ayant tout fait jusque-là par hasard, il essaie de pallier au fur et à mesure à ses insuffisances, excellant, se dépassant parfois pour faire des choses qu’il n’avait jamais imaginées pouvoir faire. Fantastique ! Mais….
Un jour est égal à vingt heures (24) heures. Je suppose qu’en tant qu’entrepreneur vous fassiez les toutes premières choses vous-même lorsque vous démarrez.
Déjà vous vous plaignez de ce que vous avez très peu de temps. Et d’autres tâches se révèlent et se rendront indispensables à accomplir. N’oubliez pas, vous aviez très peu de temps. Vous ne pouvez vous en sortir seul ! Vous n’avez que vingt quatre heures. Elles ne vous suffiront pas parce que vous avez besoin de plus de 24 heures. Il faut en acheter, en louer. Recruter, sous-traiter, demander conseil et assistance…. Ils sont au plus cinq ou six domaines pour la bonne marche d’une entreprise ; je vous confie que vous ne pouvez les maîtriser tous et bien.
Vous pouvez les regrouper ou les réduire au minimum qui vous convient. Voyez ce que vous pouvez faire et bien faire et avez suffisamment de temps pour faire. Ensuite, songez à recruter, à former, à déléguer et à sous-traiter
6. “Si j’arrive à produire et à vendre suffisamment, et que mes caisses sont renflouées, alors j’ai la meilleure affaire du monde”
J’ai un ami, jeune et dynamique qui gérait la librairie de son père. Alors que je revenais de voyage, je pris le soin d’observer son affaire pendant quelques deux semaines, puis j’eus le courage de poser la question de savoir si son affaire était vraiment rentable. Il n’hésita à me donner le cumul moyen de ses ventes quotidiennes. Je lui rappelai qu’il s’agissait là du chiffre d’affaires. Il n’avait pas de salaire. Il effectuait ses dépenses en fonction de l’importance de la liquidité dont il disposait.
Il m’avoua un jour qu’il confondait “capital” et “chiffre d’affaires”. Mieux il ne savait pas comme bon nombre d’épiciers et d’entrepreneurs combien son affaire lui coûtait. Il ne comprenait pas que c’est une fois toutes les charges cumulées qu’il les soustraira du chiffre d’affaires pour avoir son bénéfice ou profit (encore que…). Deux mois plus tard, alors que l’argent rentrait de moins en moins, ses charges étaient plus visibles et pesaient davantage sur lui. Il me confia ” Hermann, j’ai compris maintenant”.
Ils sont nombreux les entrepreneurs qui ne savent pas combien leurs affaires leur coûtent. Parce qu’ils vendent et que la liquidité rentre chaque jour, ils ne s’arrêtent jamais pour poser une question qui, me semble-il, est la première qu’on doit se poser lorsqu’on se lance en affaires “Combien mon affaire me rapporte-t-elle? “.
Écoutez, imaginons un jeune cadre qui abandonne son poste juteux de 2.000 euros pour se lancer dans une affaire qui lui rapporte à peine 15.000 euros par an, alors qu’il fait plus d’effort, dors moins et a une responsabilité plus lourde. Le premier coût qu’il supporte est celle de l’opportunité que son poste lui offrait. Ensuite le coût de l’énergie, du temps qu’il consacre à son affaire, son salaire (fut-il fictif), le loyer, l’électricité, les déplacements, les salaires du personnel pour ne citer que ceux-là. Fait-il vraiment de profit ? Son affaire vaut-elle la peine ?
7. “Je n’ai pas besoin de conseil : ni pour la gestion encore moins pour la protection de mes affaires”
Le juriste a étudié le droit ; il en est un spécialiste. Il est fin et méticuleux là-dedans, c’est son domaine. Et pourtant j’écris tous mes contrats moi-même. Le jour j’aurai des ennuis je pourrai éventuellement faire appel à un conseil. Gouverner, c’est prévoir et ma petite entreprise est un Etat. Je dois le comprendre. Si je pouvais solliciter le conseil très tôt, n’est-ce pas qu’il m’aiderait à éviter tout contentieux et me reviendrait moins cher ?
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