Biographie de Thierry Tanoh
« Financer des projets dans les pays en voie de développement. » Voilà la motivation de Thierry Tanoh lorsqu’il travaillait encore à Paris chez Coopers & Lybrand devenue PricewaterhouseCoopers. En pleine crise existentielle, il voulait donner un sens à sa vie. En 1990, il rentre donc en Côte d’Ivoire. Le voilà qui travaille un temps à la Commission bancaire de l’UEMOA, avant de rejoindre en 1991, comme consultant, la Direction des études et contrôle des grands travaux (DCGT) devenue plus tard le Bureau national d’études techniques et de développement (BNETD).
De l’ESCA à Harvard, un beau parcours
Il profite d’un voyage à Washington cette année-là pour postuler à la SFI. On ne lui propose qu’un poste d’administratif au service de la comptabilité. Ce n’était pas vraiment ce qu’il voulait faire. « Mais avec mes diplômes de l’École supérieure de commerce d’Abidjan (ESCA) et de l’Institut national des techniques économiques et comptables (INTEC), ainsi que mon expérience professionnelle, la SFI ne m’offrait aucune opportunité dans une division opérationnelle. » Un MBA sur le CV serait un plus. Il tente donc et réussit le concours d’entrée à Wharton, Chicago, Columbia et Harvard. « C’est donc naturellement que je choisis Harvard. » Cette admission lui vaut d’être reçu par le premier président ivoirien, Félix Houphouët-Boigny, et de bénéficier d’une bourse présidentielle, en plus d’une autre du Rotary et de la prestigieuse bourse Fullbright. Diplômé de Havard en 1994, Tanoh entre à la SFI, à Washington DC, en août de la même année.
Son profil séduit la SFI
Une fois à la SFI, il est affecté en Asie où il travaille de 1995 à 2000 dans la pétrochimie. Ensuite, Thierry Tanoh refuse un poste de manager en Afrique de l’Est. 2001, direction Rio de Janeiro. C’est lui le chef du bureau de la SFI au Brésil. En août 2003, un coup de fil du numéro deux du groupe vient troubler la quiétude de celui qui s’était trop attaché aux plages brésiliennes. On lui propose d’aller travailler en Afrique. Il avait déjà refusé un poste de manager en Afrique de l’Est, sept mois auparavant. Mais cette fois, il accepte en posant ses conditions : recruter lui-même ses collaborateurs et avoir les moyens nécessaires pour mener à bien sa mission. Conditions acceptées !
Après l’Asie, l’Afrique du Sud
Mieux, on lui offre une promotion non négligeable : de principal investment officer, il saute le grade de manager, celui de senior manager pour devenir directeur adjoint. En retour, sa direction lui demande 330 millions de dollars d’investissements par an sur les trois années à venir. Il arrive à Johannesburg en décembre 2003 et se met aussitôt au travail. Il en profite pour étoffer son équipe. Le Haïtien Jean Philippe Prosper fait partie des fidèles lieutenants dont il est fier. Ce dernier lui succédera à son départ. Les résultats suivent. « La première année, nous avons fait 400 millions de dollars. La deuxième, 440 millions. La troisième, 700 millions et la quatrième, 1,4 milliard. En l’espace de quatre années, on a multiplié par 10 le chiffre qui nous était demandé ». Avant son arrivée en Afrique du Sud, la SFI avait un volume d’investissements de 140 millions de dollars en Afrique subsaharienne. En 2006, il reçoit un prix de la Banque mondiale : le « Leadership and Diversity Award ». Paul Wolfowitz, président de la Banque mondiale, l’appelle en personne pour le féliciter.
Il prend la Direction du département Afrique
Lorsque le directeur du département Afrique de l’époque, un Australien, décide de partir, Thierry Tanoh tente sa chance et postule. Son dernier entretien est prévu avec le président de la Banque mondiale lui-même. Le jour de l’interview, le téléphone sonne : « Allô, Thierry ? C’est le bureau de Paul Wolfowitz. Quand le président a su que c’était vous, il a donné son accord pour qu’on vous donne le poste sans vous interviewer ». Voilà comment il devient directeur Afrique, le 1er juillet 2006, avant d’être nommé, deux ans plus tard, vice-président Afrique subsaharienne, Amérique latine et Europe de l’Ouest. La SFI a désormais son premier vice-président noir et les institutions de Bretton Woods, leur premier vice-président opérationnel africain francophone.
Le grand virage vers Ecobank Togo
Le 23 décembre 2011, Thierry Tanoh est nommé directeur général d’Ecobank Transnational Incorporated (ETI) en remplacement du Nigérian Arnold Ekpé. Il prendra ses fonctions à Lomé au Togo en juillet 2012. Cette nomination, saluée par beaucoup en Afrique, crispera les tensions au sein de la banque. Il s’en suivra deux longues années de crise. Elles finiront par emporter l’Ivoirien le 11 mars 2014. Depuis, silence radio. Plus de nouvelles, jusqu’à ce communiqué de la présidence ivoirienne, ce 12 septembre 2014, signé d’Amadou Gon Coulibaly, secrétaire général de la présidence ivoirienne, et qui fait de Philippe Serey-Eiffel et Thierry Tanoh ses adjoints « avec rang protocolaire de ministre ».
Un homme dans un maillage familial dense
Thierry Tanoh est né le 21 avril 1962 à Abidjan. Sa mère, ancien proviseur au lycée MamieAdjoua de Yamoussoukro en Côte d’Ivoire, est originaire du Pas-de-Calais dans le nord de la France. Son père, Tanoh Kouadio Augustin, natif de Toumodi, est le frère de l’actuel maire de Daoukro, village du grand-père de Tanoh. Daoukro a jadis été dirigé par Henri Konan Bedié, parrain du secrétaire général adjoint de la présidence de Côte d’Ivoire. Marié à Sylvie Gomis, Thierry Tanoh est le gendre de Charles Gomis, ambassadeur de Côte d’Ivoire à Paris. Henriette, la soeur de Sylvie est l’épouse de Jean-Louis Billon, ministre ivoirien du Commerce, de l’Artisanat et de la Promotion des PME. Ce dernier, ancien président de la Chambre de commerce et d’industrie de Côte d’Ivoire est le frère de Pierre Billon, président du Groupe Sifca, premier employeur privé en Côte d’Ivoire. Thierry Tanoh est réservé. Il parle peu. Mais cela ne l’empêche pas de partager, en privé, son agacement face à certaines tares de la société africaine. « Il y a dans notre sous-région tellement d’opportunités que j’ai encore du mal à comprendre pourquoi nous avons un secteur privé si moribond. »
« Personne ne sauvera l’Afrique à notre place »
En 2008, alors qu’il était encore vice-président de la SFI, nous l’avions rencontré à Abidjan. « La Côte d’Ivoire est un pays qui produit du cacao. Mais les meilleurs chocolats viennent de Suisse ou de Belgique. Pourquoi ? La Colombie produit et transforme son café. Pourquoi pas nous ? » s’insurgeait-il. Interrogation renouvelée, à Paris, en mars 2011 au Sénat français lors du 4e colloque Afrique SA. Beaucoup le voyaient sous d’autres cieux après sa « débâcle » à Ecobank. « Je ne pense pas qu’Ecobank fut une débâcle. J’ai beaucoup appris de cette expérience. Avoir des valeurs et s’y tenir a un coût en Afrique. Mais ce coût ne saurait valoir que l’on s’écarte de ses valeurs fondamentales. » Tanoh est toujours là, car « personne ne sauvera l’Afrique à notre place. Les pays qui se sont relevés et s’en sortent aujourd’hui l’ont fait d’eux-mêmes. » L’Afrique a besoin d’être unie », plaide-t-il. « On ne pourra pas y parvenir seuls. On a besoin de tous et notamment de la sous-région. On a besoin d’accroître notre marché, d’améliorer notre capacité à produire et à donner des biens et services nécessaires pour notre croissance sociale, économique et politique. »
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